Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/384

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de l’erreur. Mais le bon sens vulgaire est un mauvais juge quand il s’agit des grandes choses. Pour obtenir moins de l’humanité, il faut lui demander plus. L’immense progrès moral dû à l’Évangile vient de ses exagérations. C’est par là, qu’il a été, comme le stoïcisme, mais avec infiniment plus d’ampleur, un argument vivant des forces divines qui sont en l’homme, un monument élevé à la puissance de la volonté.

On imagine sans peine que pour Jésus, à l’heure où nous sommes arrivés, tout ce qui n’était pas le royaume de Dieu avait absolument disparu. Il était, si on peut le dire, totalement hors de la nature : la famille, l’amitié, la patrie, n’avaient plus aucun sens pour lui. Sans doute, il avait fait dès lors le sacrifice de sa vie. Parfois, on est tenté de croire que, voyant dans sa propre mort un moyen de fonder son royaume, il conçut de propos délibéré le dessein de se faire tuer. D’autres fois (quoiqu’une telle pensée n’ait été érigée en dogme que plus tard), la mort se présente à lui comme un sacrifice, destiné à apaiser son Père et à sauver les hommes. Un goût singulier de persécution et de supplices le pénétrait. Son sang