Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses plus chers souvenirs, et une foule de traits touchants que chacun gardait du maître furent accumulés sur ce repas, qui devint la pierre angulaire de la piété chrétienne et le point de départ des plus fécondes institutions.

Nul doute, en effet, que l’amour tendre dont le cœur de Jésus était rempli pour la petite église qui l’entourait n’ait débordé à ce moment. Son âme sereine et forte se trouvait légère sous le poids des sombres préoccupations qui l’assiégeaient. Il eut un mot pour chacun de ses amis. Deux d’entre eux, Jean et Pierre, surtout, furent l’objet de tendres marques d’attachement. Jean (c’est lui du moins qui l’assure) était couché sur le divan, à côté de Jésus, et sa tête reposait sur la poitrine du maître. Vers la fin du repas, le secret qui pesait sur le cœur de Jésus faillit lui échapper : « En vérité, dit-il, je vous le dis, un de vous me trahira. » Ce fut pour ces hommes naïfs un moment d’angoisse ; ils se regardèrent les uns les autres, et chacun s’interrogea. Juda était présent ; peut-être Jésus, qui avait depuis quelque temps des raisons de se défier de lui, chercha-t-il par ce mot à tirer de ses regards ou de