Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/523

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prouver qu’elle a eu sa raison d’être, qu’elle fut légitime, c’est-à-dire conforme aux instincts et aux besoins du cœur en un siècle donné.

Est-il plus juste de dire que Jésus doit tout au judaïsme et que sa grandeur n’est autre que celle du peuple juif ? Personne plus que moi n’est disposé à placer haut ce peuple unique, dont le don particulier semble avoir été de contenir dans son sein les extrêmes du bien et du mal. Sans doute, Jésus sort du judaïsme ; mais il en sort comme Socrate sortit des écoles de sophistes, comme Luther sortit du moyen âge, comme Lamennais du catholicisme, comme Rousseau du XVIIIe siècle. On est de son siècle et de sa race, même quand on réagit contre son siècle et sa race. Loin que Jésus soit le continuateur du judaïsme, il représente la rupture avec l’esprit juif. En supposant que sa pensée à cet égard puisse prêter à quelque équivoque, la direction générale du christianisme après lui n’en permet pas. La marche générale du christianisme a été de s’éloigner de plus en plus du judaïsme. Son perfectionnement consistera à revenir à Jésus, mais non certes à revenir au judaïsme. La grande originalité du fondateur reste donc entière ; sa gloire n’admet aucun légitime partageant.

Sans contredit, les circonstances furent pour beaucoup dans le succès de cette révolution merveilleuse ;