Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/525

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médecine eussent suffi pour couper court à sa carrière. La dynastie incrédule des Hérodes, d’un autre côté, s’occupait peu des mouvements religieux ; sous les Asmonéens, Jésus eût été probablement arrêté dès ses premiers pas. Un novateur, dans un tel état de société, ne risquait que la mort, et la mort est bonne à ceux qui travaillent pour l’avenir. Qu’on se figure Jésus, réduit à porter jusqu’à soixante ou soixante-dix ans le fardeau de sa divinité, perdant sa flamme céleste, s’usant peu à peu sous les nécessités d’un rôle inouï ! Tout favorise ceux qui sont marqués d’un signe ; ils vont à la gloire par une sorte d’entraînement invincible et d’ordre fatal.

Cette sublime personne, qui chaque jour préside encore au destin du monde, il est permis de l’appeler divine, non en ce sens que Jésus ait absorbé tout le divin, ou lui ait été adéquat (pour employer l’expression de la scolastique), mais en ce sens que Jésus est l’individu qui a fait faire à son espèce le plus grand pas vers le divin. L’humanité dans son ensemble offre un assemblage d’êtres bas, égoïstes, supérieurs à l’animal en cela seul que leur égoïsme est plus réfléchi. Mais, au milieu de cette uniforme vulgarité, des colonnes s’élèvent vers le ciel et attestent une plus noble destinée. Jésus est la plus haute de ces colonnes qui montrent à l’homme d’où il vient