Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/135

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principe à ce que j’ai de plus cher sur la terre, à ton repos, à ton avenir, mon pauvre ami. Cependant, sois-en certain, autant je désire que tes détermina lions viennent de toi-même, autant je suis résolue à te dire toujours sans restriction mon avis et mes craintes. Jamais je n’ai eu ni n’aurai la pensée de te les imposer ; je ne veux qu’appeler ton attention sur ce qui me frappe, et te laisser ensuite la plus grande liberté d’action en ce qui touche mes conseils. Que ceci, je t’en prie, soit bien entendu dans toutes les circonstances.

Oui, mon ami, une vie de solitude pour soi, de dévouement pour autrui, d’indépendance envers tous serait certainement la réalité des rêves de toute âme généreuse ; malheureusement, elle n’existe pas sur notre terre. L’indépendance, ce premier des biens, est à elle seule une brillante chimère, et le supérieur qui s’est attiré ta confiance avait bien raison de te dire : « Hélas ! où la trouverez-vous ? » Que de fois, comme toi, je l’ai désirée au-dessus de tout ! Que de fois, dans un salon magnifique ou près d’une table somptueuse, je me suis écriée dans mon cœur :