Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/172

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je crus donc, et moi aussi je me mis à dresser des plans, à enchérir presque sur les rêves de notre bonne mère : il paraît que cette maladie est contagieuse. Toutefois je ne pouvais m’empêcher d’éprouver parfois quelques arrière-pensées : si par hasard notre bonne mère avait plus écouté ses souhaits que les règles de l’interprétation !… si elle avait métamorphosé l’expression d’un désir en une réalité !… Cette possibilité me faisait d’autant plus appréhender, qu’en conférant avec le projet en question mes souvenirs du passé, je ne pouvais m’empêcher d’y voir de trop nombreuses invraisemblances. Enfin une nouvelle lettre m’a prouvé que mes craintes étaient trop bien fondées : « Hélas ! mon pauvre Ernest, m’y disait notre bonne mère, j’avais mal compris le passage de la lettre d’Henriette : Madame Gaugain m’a fait remarquer que ce n’est qu’à condition que la famille se décide au voyage de France !… » Quelle déception, ma pauvre Henriette ! Cela m’a mis de si mauvaise humeur, que j’ai pensé renoncer pour toujours aux châteaux en Espagne.

Par une coïncidence bien singulière, ma