Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/248

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mière pensée, mon premier désir, le seul but de tous mes travaux ; pourrais-je donc être arrêtée par la considération d’une dépense bien minime, quand on songe qu’il s’agit de toute ton existence ? Un jeune homme rangé et studieux peut vivre une année à Paris avec douze cents francs ; faudrait-il multiplier deux ou trois fois cette somme pour te procurer une carrière, tu penses bien, cher ami, que je n’hésiterais pas un instant : ne serais-je pas trop heureuse de la voir clairement tracée ? Tout ceci, sois-en sûr, se passerait exclusivement entre toi et moi ; et n’avons-nous pas dit depuis longtemps qu’entre nous tout doit être commun ?… Maman m’écrit que tu t’es décidé à ne point avancer cette année vers des liens indissolubles ; je t’assure, je te proteste qu’elle n’en est ni surprise ni affectée ; avec du temps, on l’amènerait facilement à d’autres vues, et c’est en cela qu’un séjour à l’étranger serait particulièrement utile. Cependant, mon [bon] Ernest, il ne faudrait pas tourner le dos a un autre chemin p[our] s’arrêter entièrement à cette considération. Je ne puis croire que maman soit aussi affligée que tu le crains d’un