Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/28

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sans lesquels il est presque impossible que les maisons d’éducation privée réussissent, ma sœur, avec sa rare distinction, son profond sérieux, son instruction solide, voyait sa pauvre petite école abandonnée. Sa modestie, sa réserve, le ton exquis qu’elle portait en toute chose, étaient ici des raisons d’insuccès. Aux prises avec des susceptibilités mesquines, obligée de compter avec les plus sottes prétentions, cette noble et grande âme s’usait dans une lutte sans issue contre une société abaissée, à laquelle la Révolution avait enlevé les meilleurs éléments qu’elle possédait autrefois, sans lui porter encore aucun de ses bienfaits.

Quelques personnes supérieures aux petitesses du pays savaient l’apprécier. Un homme fort intelligent et dégagé des préjugés qui règnent sans contrepoids dans les villes de province, depuis que l’aristocratie a disparu ou s’est par réaction faussée et abêtie, conçut pour elle un sentiment très élevé. Ma sœur, malgré une marque de naissance à laquelle il fallait quelque temps pour s’habituer, avait, à cet âge, un charme extrême. Les personnes qui ne l’ont connue que tard et fatiguée par