Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/72

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par suite des nécessités de la mission, qui exigeaient ma présence à Beyrouth. Nous dîmes adieu, non sans larmes, à notre maison de Ghazir, et nous parcourûmes une dernière fois cette belle route du fleuve du Chien, qui depuis un an nous avait été si familière. Quoique la chaleur fût très forte, nous passâmes encore à Beyrouth quelques bons moments. Les journées étaient accablantes, mais les nuits étaient délicieuses, et, chaque soir la vue du Sannin, revêtu par le soleil couchant d’une atmosphère olympienne, était une fête pour les yeux. Les opérations de transport étaient presque achevées ; il ne me restait plus à faire que le voyage de Chypre. Nous commencions à parler de retour ; nous rêvions déjà de doux et pâles soleils, la fraîche et moite impression des automnes du Nord, ces vertes prairies des bords de l’Oise qu’à pareille époque, deux ans auparavant, nous avions traversées. Elle revenait avec complaisance sur la joie d’embrasser le petit Ary et notre vieille mère. Elle avait des espèces de retour mélancoliques, où tous ses souvenirs de famille se croisaient ; à ces moments, elle me parlait de