Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/97

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fortune en rhétorique est ici d’un usage minime : la raison seule règne en philosophie. Mais assurément celui-là ne se connaît pas en jouissances de l’esprit, qui préfère les plaisirs de l’imagination à ceux de la raison. Toutefois il ne faut pas s’attendre à trouver en philosophie cette certitude absolue qui distingue par exemple les mathématiques : les nombreux systèmes de philosophie en sont la preuve : là où il y a certitude, il n’y a pas de système : quelques parties, il est vrai, sont d’une logique aussi inflexible et d’un raisonnement aussi rigoureux que celui des mathématiques : cependant on y sort rarement du monde des hypothèses. Mais ces hypothèses elles-mêmes ont un grand intérêt, et semblent souvent s’approcher de la vérité autant qu’il est donné à notre faible raison. D’ailleurs le propre de la philosophie est moins de donner des notions bien assurées, que de lever une foule de préjugés. On est tout étonné, quand on commence à s’y adonner, de voir que jusque-là on a été le jouet de mille erreurs, enracinées par l’opinion, la coutume, l’éducation ; c’est la mort du beau idéal, on voit les choses telles