Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/60

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Quand je lui fis part des doutes qui me tourmentaient et qui me faisaient un devoir de quitter une carrière où la foi absolue est requise, elle fut ravie, et m’offrit de me faciliter ce difficile passage. J’entrais dans la vie à près de vingt-trois ans, vieux de pensée, mais aussi novice, aussi ignorant du monde qu’il est possible de l’être. À la lettre, je ne connaissais personne ; l’avance la plus simple que possède un jeune homme de quinze ans me manquait. Je n’étais même pas bachelier ès lettres. Il fut convenu que je chercherais dans les pensions de Paris une occupation qui me mît au pair, comme l’on dit, c’est-à-dire me donnât la table et le logement, en me laissant beaucoup de temps pour le travail. Douze cents francs qu’elle me remit devaient me permettre d’attendre et suppléer à ce qu’une telle position pouvait d’abord avoir d’insuffisant. Ces douze cents francs ont été la pierre angulaire de ma