Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/75

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faiblesses, lueurs passagères d’une aurore évanouie, étaient chez elle pleins de mélancolique douceur. En cela elle était supérieure aux personnes qui professent dans sa morne abstraction le détachement prêché par les mystiques. Elle aimait la vie ; elle y avait du goût ; elle pouvait sourire à une parure, à un souci de femme, comme on sourit à une fleur. Elle n’avait pas dit à la nature cet abrenuntio frénétique de l’ascétisme chrétien. La vertu pour elle n’était pas une tension austère, un effort voulu ; c’était l’instinct naturel d’une belle âme allant au bien par un effort spontané, servant Dieu sans crainte ni tremblement.

Ainsi nous vécûmes durant six années d’une vie très élevée et très pure. Ma position était toujours extrêmement modeste : mais c’était elle-même qui le voulait. Elle ne m’eût pas permis, quand même j’y eusse pensé, de sa-