Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/14

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ferment en fait de révélations sur des situations psychologiques fort éloignées de nous. À l’histoire d’une institution déjà complète, comme est l’Église chrétienne au iiie siècle et à plus forte raison dans les siècles suivants, les qualités de jugement et de solide érudition d’un Tillemont suffisent presque. Voilà pourquoi le xviie siècle, qui a fait faire de si grands progrès à l’histoire ecclésiastique, n’a jamais abordé le problème des origines. Le xviie siècle n’avait de goût que pour ce qui peut s’exprimer avec les apparences de la certitude. Telle recherche dont le résultat ne saurait être que d’entrevoir des possibilités, des nuances fugitives, telle narration qui s’interdit de raconter comment une chose s’est passée, mais qui se borne à dire : « Voici une ou deux des manières dont on peut concevoir que la chose s’est passée », ne pouvaient être de son goût. En présence des questions d’origine, le xviie siècle ou prenait tout avec une crédulité naïve, ou supprimait ce qu’il sentait à demi fabuleux. L’intelligence des états obscurs, antérieurs à la réflexion claire, c’est-à-dire justement des états où la conscience humaine se montre surtout créatrice et féconde, est la conquête intellectuelle du xixe siècle. J’ai cherché, sans autre passion qu’une très vive curiosité, à faire l’application des méthodes de critique qui ont prévalu de nos jours