Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bâtissait, on faisait de la géométrie pratique quatre mille ans avant elle. Seule néanmoins, elle a eu un Phidias, un Archimède ; seule, elle mérite d’être appelée la terre des nobles origines. Une exception doit être faite pour la religion. Notre religion vient de Jérusalem, non d’Athènes. Pour tout le reste, la Grèce a tracé le contour vrai de l’esprit humain, contour susceptible d’être indéfiniment élargi, mais parfait en ses proportions. — Notre médecine, notre physique, notre astronomie sont supérieures à la médecine, à la physique, à l’astronomie des Grecs ; mais elles n’en sont que la continuation. — Notre art n’est qu’une tentative, d’avance condamnée à l’infériorité, pour renouveler en un monde laid et bourgeois ce que la Grèce fit un jour, sous l’influence d’un rayon de grâce divine, en un monde jeune, noble et beau. Quant à la philosophie, elle est à la fois science et art. En tant que science, nous l’avons fort développée ; mais l’art exquis de jouer de la lyre sur les fibres les plus intimes de l’âme, de poser sans les résoudre les problèmes de l’ordre transcendant, — la philosophie, dis-je, entendue comme la musique sacrée des âmes pensantes, quel chef-d’œuvre produira-t-elle jamais comparable aux dialogues qu’ont entendus les jardins de l’Académie et les bords de l’Ilissus ?

Revenons à l’antiquité égyptienne. Elle est en d’excellentes mains. M. Mariette a vraiment fondé la plus grande entreprise scientifique de notre siècle. Il la dirige avec un jugement sûr et une fermeté inflexible, sans faire aucune concession à la frivolité des gens du monde, à la sottise du public, à cette vaine recherche des objets de musée qui fait dégénérer la science en un chétif amusement. Jamais on ne fut plus loin de l’archéologie de