Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/233

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je croirais voir dans l’un d’eux les droits les plus sacrés, les intérêts les plus précieux de l’humanité. Ce ne sont pas lu, chère amie, les armes qui me conviennent ; j’on ai de meilleures. Celui qui est habile dans l’escrime, ne va pas rechercher une lutte à coups de bâtons, quand il peut se battre à l’épée. Un gamin avec un fusil vaudrait sur ce terrain-là vingt fois plus que moi. Indépendamment de ma maladresse et de ma timidité, suites naturelles de ma première éducation, c’est là d’ailleurs chez moi un résultat philosophique. Dans ces luttes, on ne diffère d’ordinaire que par les moyens pour atteindre un même but ; en sorte qu’on risque de tuer celui qui pensa comme vous, et qui réaliserait mieux que vous votre pensée. — 2° En fait de manifestation quelconque d’opinion, m’en tenir aux principes théoriques ; ne toucher jamais aux questions de fait ou de personnes, pas même aux moyens d’application pratique. — 3° Dans le moment actuel ne manifester aucune opinion. Tu es (à l’exception de Berthelot) la seule personne au monde à qui je communique ma pensée sur ces sujets. Avec les autres, je suis exactement de leur opinion et de leur nuance. Cela ne m’est pas difficile ; car j’en ai une longue habitude. Longtemps encore je suivrai ce système. Il n’y a rien de plus mauvais goût que de s’engager jeune dans ces luttes, sans s’être fait une autorité à un autre titre. La première chose, c’est de se faire écouter ; autrement en perd son temps et sa peine. Cela convient