Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/306

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prosélytisme, ce qui entraîne le monde, ce sont les vérités incomplètes, partielles, les choses envisagées par un seul côté, avec négation du reste. C’est cette négation qui est l’erreur. Ce qu’un système affirme, c’est sa part de vérité, ce qu’il nie, c’est sa part d’erreur. Il n’erre que parce qu’il exclut ce qui n’est pas lui. L’erreur n’est que l’exclusion, la partialité, la négation de ce qu’on n’est pas. Le critique est celui qui prend toutes les affirmations, et qui, embrassant toutes choses, n’a d’exclusion pour aucune ; et c’est pour cela que le critique est peu fait pour le prosélytisme. Car ce qui est partiel est plus fort ; les hommes ne se passionnent que pour ce qui est incomplet, ou pour mieux dire, la passion les attachant exclusivement à un objet leur ferme les yeux sur tout le reste. C’est l’éternelle duperie de l’amour qui ne voit au monde que son objot. Amour exclusif est le parallèle de haine et d’anathème. C’est là ce qu’on appelle l’éclectisme, dans le bon sens. Voilé ce que disait M. Cousin dans ses beaux jours de jeunesse. Voilà ce que tu embrasseras avec la puissance de ta ferme intelligence, sitôt que de retour parmi nous, tu seras rendue au commerce vivant de notre mouvement intellectuel.

Un autre malentendu qui me fait peine encore, c’est que tu me jettes toujours comme objection les noms et les actes de ceux qui ont paru depuis février sur la scène politique, dont quelques-uns sont des noms odieux. Tu as l’air de supposer