Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/313

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cela ne sera pas, à moins que pis n’arrive. J. Simon, que je vis jeudi dernier, nous assura que les batteries contre le ministère auraient un immanquable succès les premiers jours de la semaine prochaine. Je ne puis le dire à quelle exaspération tout ce parti est en proie. On complote beaucoup, et des choses de toutes sortes. L’agitation est d’ailleurs assez vive dans Paris. Le légitimisme ne cache plus ses batteries, M. de Falloux marche à visage découvert, et c’est lui qui est l’âme du cabinet. Il se peut qu’avant un mois les coups de fusil recommencent. Je te répète, chère amie, quoi que tu apprennes, ne crains rien pour moi. Je serai pour les révolutions de l’avenir ce que j’ai été pour celles du passé, spectateur curieux, rien de plus. Et ce que je dis pour les coups de fusil, je le dis pour les manifestations de toute espèce et pour quelque but que ce soit, même contre Henri V. Ma petite nature retirée et peu communicative me rend insupportables ces masses où disparaît l’individualité personnelle.

Quelle longue et douce causerie, excellente sœur ! Oui, douce, en ces dernières pages, car le sentiment pénible qui résulte pour moi de la lecture de ta lettre s’efface aussitôt que j’ai causé quelques instants avec toi. Cela me fait penser aux jours de l’avenir ! L’espace me manque complètement pour te parler des faits importants survenus au département de l’Instruction Publique. D’ailleurs en peut se demander s’ils auront quelque suite.