Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/318

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celui ou tu m’assures que tu n’es d’aucun parti. Je ne doute pas que tu ne le croies, puisque tu me le dis. Mais je t’affirme que tu te trompes toi-même. Pose-toi vis-à-vis d’un fait arrivé il y a cinq cents ou six cents ans, et demande-toi si tu jugerais de même, décidée à enfler les peccadilles et les maladresses d’un côté et à tout pardonner de l’autre.

Ce que tu me dis sur la tolérance est très finement pensé. Je pense comme toi que toute doctrine qui dit : Hors de moi, point de salut, doit être intolérante par charité. Mais c’est précisément dans cette exclusion qu’est l’erreur : car il n’est pas de doctrine, du moment où elle arrive à un prosélytisme étendu, qui ne renferme des germes de salut, par cette raison, je le répète, que l’esprit humain n’est pas sympathique au faux ; il peut suivre, et de fait il suit toujours la vérité incomplète, jamais l’erreur. La comparaison de la mère chrétienne du xvie siècle, appelle deux observations : 1o En comparant le socialisme à la Réforme, je ne devrais pas être mis sur le même pied que les hommes qui à cette époque embrassèrent le culte nouveau ; mais je ressemblerais à la plupart des hommes distingués de ce siècle, Erasme, Robert Estienne, etc., qui, sans admettre le dogmatisme nouveau, en embrassaient les tendances. Je plains fort ceux qui de 1620 à 1660 sont restés purs catholiques, à moins qu’ils n’eussent plus de cinquante ans. — 2o C’est dur à dire : mais la mère avait tort, et le fils avait raison. Il faut