Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/320

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ne laissent pas languir la riposte. Plus que jamais, je me renferme exclusivement dans la partie scientifique et littéraire, et toujours sous le pseudonyme, depuis que la lutte est devenue personnelle. Je viens de leur épicer une salade au plus haut goût, une série d’articles sur Strauss et les historiens critiques de Jésus. Ce va être un plaisir piquant de contempler à l’ombre les hauts cris qu’ils vont pousser. — Je le répète toutefois, je n’ai pour ces messieurs qu’une demi-sympathie ; et quand nous serons définitivement posés en face l’un de l’autre, nous ne resterons pas longtemps d’accord. Plus je vais, plus je découvre que ce J. Simon est une vilaine âme, qui ne croit et n’aime rien. Nos relations sont du reste les meilleures qui se puissent imaginer.

J’ai parlé à M. Burnouf de mon projet d’opuscule, où je voulais associer son nom. Il en a été ravi, et a trouvé l’idée excellente. Il m’a vivement engagé à le réaliser le plus tôt possible ; il faut, dit-il, saisir ce moment fugitif ; plus tard vous ne pourrez plus dire de pareilles choses, et il m’a fait confidence du regret qu’il avait de ne pas avoir profité de sa jeunesse pour certaines publications, qui ne sont plus maintenant au ton de son Age plus objectif, comme disent les Allemands. J’ai renoncé à la forme de lettre d’un bout A l’autre ; en tête seulement je mettrai une lettre adressée à M. Burnouf. Je ne puis te dire les choses délicieuses, fines, admirables, qu’il m’a dites. C’est un homme unique, unique sous tous les rapports.