Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/382

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l’ambassade à laquelle il était attaché, et qui m’a conté des choses inouïes de la petitesse d’esprit et des suspicions mesquines de ces gens-la. La grave question politique qui s’agite ces jours-ci nous préoccupe vivement, comme tu conçois. Une rupture serait pour nous une bonne fortune : que les Français règnent huit jours seulement à Rome, et nous forçons les dernières armoires du Vatican.

J’ai trouvé jusqu’au bout M. Cousin excellent, mais fort original. Il a fait une vraie scène à M. Génin et A M. Lesieur, qui me l’ont rapportée en riant. Puis il m’a cordialement félicité de mon voyage, et m’a assuré qu’il en avait toujours souhaité la réussite. Il m’a même avoué qu’il n’avait jamais songé bien sérieusement à m’envoyer en province, que l’enseignement des collèges ne me convenait pas, qu’on avait découvert et non désapprouvé mon plan d’arriver tout de suite aux Facultés, qu’en toute hypothèse le titre d’agrégé me servirait à mettre sur ma carte de visite. Enfin les dernières fois que je l’ai vu, je l’ai trouvé plus aimable que jamais  ; il m’a chargé de commissions scientifiques et autres, d’une nature assez délicate. Rosmini, en ce moment en pénitence au mont Cassin, dernièrement condamné par l’Index, est son grand ami. Rosmini est philosophe, mais âme si douce et si timide qu’il se sacrifierait lui-même plutôt que de faire un éclat. M. Cousin n’a jamais osé lui écrire au milieu de son nouvel entourage, de peur de