Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/446

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ajournée, ce que je n’admettrai jamais. Car enfin, lors même qu’on toute rigueur, et contrairement à mes vœux les plus pressants, tu resterais jusqu’en janvier 1851, il est tout à fait impossible que tu aies songé à aller au delà. Et c’est précisément parce que le retour sera impossible à ce moment, qu’il m’a toujours paru si raisonnable d’avancer ton départ de quelques mois. Au nom du ciel, mon Henriette, ne dépasse pas d’un jour les dix années. Mon Dieu ! si l’année des deux élèves qui te restent était seule, je ne sais si j’insisterais si fortement ; je comprendrais ton désir d’achever ton œuvre et de jouir des avantages auxquels tu auras droit à ce moment. Mais ce qui m’effraie, c’est la plus jeune de tes élèves ; ou en sommes-nous, grand Dieu ! si tu l’entreprends ? il n’y a plus désormais de raison de s’arrêter. Oh ! non, non ; coupons court à un moment donné, au moment le plus naturel, à celui ou finissent tes premières conventions, et pour éviter ce redoutable hiver, devançons de deux ou trois mois. Ce que tu me dis de tes douleurs me désole : je me demande si je peux en conscience goûter une joie, tandis que tu es dans cette position, si je ne ferais pas mieux de me faire pédagogue de collège, de renoncer à un meilleur avenir, pour me faire plus vite une position sortable ; alors peut-être tu reviendrais. Je le sais, ma chère amie ; les motifs qui me font désirer ton retour sont en grande partie égoïstes ; c’est pour moi que je te rappelle, c’est un sacrifice que