Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/55

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plie, achète des vêtements chauds, ménage une santé qui est mon bien le plus cher et de laquelle je me préoccupe sans cesse. — je suis très aise, mon ami, que tu aies fait la connaissance de quelques Allemands. Je pense souvent que dès que tu pourras t’absenter un peu sans nuire à les travaux d’avenir, tu devras voyager dans leur patrie  ; en conséquence, il est bon que tu y aies quelques visages et quelques esprits connus à retrouver. En général, les Allemands sont d’une bonne et loyale nature. J’ai toujours eu beaucoup à me louer de mes rapports avec eux ; malheureusement, quoique au sein de l’Allemagne, je n’en vois et n’en connais ici presque aucun.

Si matériellement je ne te voyais si mal, je ne cesserais, mon ami, de me féliciter du raisonnable parti que tu as pris pour tes études de cette année. Oui, c’était là le seul moyen d’arriver à ce que nous désirons ; mais qu’il t’en coûte, mon pauvre Ernest ! — je te vois en excellent chemin ; et pourtant mon cœur n’est pas pleinement satisfait, car il renferme une rude épine. O mon ami, puisse l’année qui commence avancer ton avenir autant que l’a fait celle qui s’enfuit, et puisse-t-elle en même temps te procurer une situation plus douce et plus convenable ! je termine ces lignes dans la dernière nuit de cette année qui nous a momentanément réunis, et j’ai beau sonder mon cœur, je n’y trouve pas un vœu plus ardent que celui que je viens de t’exprimer. Adieu et courage, mon bon Ernest !