Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/77

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chère amie ; il a merveilleusement compris ma pensée, et a pris mon ouvrage par le côté que je désirais, et que n’avait nullement saisi M. Reinaud. Il a fait à son tour son rapport, et tout a été conclu. Sur le conseil de M. Reinaud, j’ai été ce matin faire une visite a M. Burnouf. Je ne saurais te dire, chère amie, combien cette heure passée avec cet homme vraiment supérieur me sera à jamais précieuse. À te parler franchement, je préfère de beaucoup la satisfaction profonde qu’elle m’a procurée, à tous les autres avantages extérieurs qui pourront résulter pour moi de ce succès. Et pourquoi, chère amie ? parce que j’ai trouvé dans ses paroles la confirmation de mes pensées les plus intimes, parce qu’il m’a prouvé que ces principes et cette méthode qui désormais sont chez moi arrêtés, ne sont point des imaginations conçues dans un travail solitaire, mais qu’ils se trouvent conformes aux idées de la plus solide science, qu’ils sont en un mot ceux de tous les hommes à la fois philosophes et érudits. Les succès partiels ont sans doute leur valeur ; mais ils ne sont rien, chère amie, comparés à l’avantage d’être à l’unisson de son siècle ; c’est ici le garant le plus sûr du succès définitif et durable, et ce qui vaut mieux encore, de la vérité dans ses formes les plus avancées. Tu comprends combien une vérification aussi sûre que le contrôle de mes idées par celles d’un homme aussi éminent a de prix à mes yeux. Or je ne puis te répéter, chère amie, dans quels