Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/350

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était bien inoffensif ; c’étaient les Recherches philosophiques de M. de Bonald. Ce livre néanmoins lui déplut ; elle me l’arracha des mains ; elle sentait que, si ce n’était lui, c’étaient ses pareils qui étaient les ennemis de sa plus chère pensée.

Le 6 septembre 1845[1], j’écrivis à M.***, mon directeur, la lettre suivante, dont je retrouve la copie dans mes papiers. Je la reproduis sans rien atténuer de ce qu’elle a de contradictoire et de légèrement fiévreux.

Monsieur,

Quelques voyages que j’ai dû faire au commencement de mes vacances m’ont empêché de correspondre avec vous aussitôt que je l’eusse désiré. C’était pourtant un besoin bien pressant pour moi que de m’ouvrir à vous sur des peines qui deviennent chaque jour de plus en plus vives, d’autant plus vives que je ne trouve ici personne à qui je puisse les confier. Ce

  1. M. l’abbé Cognat, curé de Notre-Dame des Champs, qui fut, avec M. Foulon, actuellement archevêque de Besançon, mon meilleur ami au séminaire, a communiqué au Figaro (3 avril 1879) et publié dans le Correspondant (10 mai, 10 juin et 10 juillet 1882) divers extraits de lettres de moi écrites à la même date que celle que je donne ici. J’aimerais certes à relire toutes ces lettres, qui me rappelle-