Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/110

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plus souvent, c’est le peuple lui-même qui, par suite de l’invincible besoin qu’il a de voir dans les grands événements et dans les grands hommes quelque chose de divin, crée après coup les légendes merveilleuses ? Jusqu’à nouvel ordre, nous maintiendrons donc ce principe de critique historique, qu’un récit surnaturel ne peut être admis comme tel, qu’il implique toujours crédulité ou imposture, que le devoir de l’historien est de l’interpréter et de rechercher quelle part de vérité, quelle part d’erreur il peut recéler.

Telles sont les règles qui ont été suivies dans la composition de cet écrit. À la lecture des textes, j’ai pu joindre une grande source de lumières, la vue des lieux où se sont passés les événements. La mission scientifique ayant pour objet l’exploration de l’ancienne Phénicie, que j’ai dirigée en 1860 et 1861, m’amena à résider sur les frontières de la Galilée et à y voyager fréquemment. J’ai traversé dans tous les sens la province évangélique ; j’ai visité Jérusalem, Hébron et la Samarie ; presque aucune localité importante de l’histoire de Jésus ne m’a échappé. Toute cette histoire qui, à distance, semble flotter dans les nuages d’un monde sans réalité, prit ainsi un corps, une solidité qui m’étonnèrent. L’accord frappant des textes et des lieux, la merveilleuse har-