Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/122

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guste et de Tibère. Alors vécut une personne supérieure qui, par son initiative hardie et par l’amour qu’elle sut inspirer, créa l’objet et posa le point de départ de la foi future de l’humanité.

L’homme, dès qu’il se distingua de l’animal, fut religieux, c’est-à-dire qu’il vit dans la nature quelque chose au delà de la réalité, et pour lui-même quelque chose au delà de la mort. Ce sentiment, pendant des milliers d’années, s’égara de la manière la plus étrange. Chez beaucoup de races, il ne dépassa point la croyance aux sorciers sous la forme grossière où nous la trouvons encore dans certaines parties de l’Océanie. Chez quelques peuples, le sentiment religieux aboutit aux honteuses scènes de boucherie qui forment le caractère de l’ancienne religion du Mexique. D’autres pays, en Afrique surtout, ne dépassèrent point le fétichisme, c’est-à-dire l’adoration d’un objet matériel, auquel on attribuait des pouvoirs surnaturels. Comme l’instinct de l’amour, qui par moments élève l’homme le plus vulgaire au-dessus de lui-même, se change parfois en perversion et en férocité ; ainsi cette divine faculté de la religion put longtemps sembler un chancre qu’il fallait extirper de l’espèce humaine, une cause d’erreurs et de crimes que les sages devaient chercher à supprimer.

Les brillantes civilisations qui se développèrent dès