Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/196

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d’aimer se porta sur ce qu’il considérait comme sa vocation céleste. Le sentiment extrêmement délicat qu’on remarque en lui pour les femmes[1] ne se sépara point du dévouement sans bornes qu’il avait pour son idée. Il traita en sœurs, comme François d’Assise et François de Sales, les femmes qui s’éprenaient de la même œuvre que lui ; il eut ses sainte Claire, ses Françoise de Chantal. Seulement, il est probable que celles-ci aimaient plus lui que l’œuvre ; il fut sans doute plus aimé qu’il n’aima. Ainsi qu’il arrive souvent dans les natures très-élevées, la tendresse du cœur se transforma chez lui en douceur infinie, en vague poésie, en charme universel. Ses relations intimes et libres, d’un ordre tout moral, avec des femmes d’une conduite équivoque s’expliquent de même par la passion qui l’attachait à la gloire de son Père et lui inspirait une sorte de jalousie pour toutes les belles créatures qui pouvaient y servir[2].

Quelle fut la marche de la pensée de Jésus durant cette période obscure de sa vie ? Par quelles méditations débuta-t-il dans la carrière prophétique ? On l’ignore, son histoire nous étant parvenue à l’état de récits épars et sans chronologie exacte. Mais le

  1. Voir ci-dessous, p. 157-158.
  2. Luc, vii, 37 et suiv., Jean, iv, 7 et suiv., viii, 3 et suiv.