Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/201

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ment de sa race[1]. Ni le juif, ni le musulman, n’ont compris cette délicieuse théologie d’amour. Le Dieu de Jésus n’est pas le maître fatal qui nous tue quand il lui plaît, nous damne quand il lui plaît, nous sauve quand il lui plaît. Le Dieu de Jésus est Notre Père. On l’entend en écoutant un souffle léger qui crie en nous : « Père[2]. » Le Dieu de Jésus n’est pas le despote partial qui a choisi Israël pour son peuple et le protége envers et contre tous. C’est le Dieu de l’humanité. Jésus ne sera pas un patriote comme les Macchabées, un théocrate comme Juda le Gaulonite. S’élevant hardiment au-dessus des préjugés de sa nation, il établira l’universelle paternité de Dieu. Le Gaulonite soutenait qu’il faut mourir plutôt que de donner à un autre que Dieu le nom de « maître » ; Jésus laisse ce nom à qui veut le prendre, et réserve pour Dieu un titre plus doux. Accordant aux puissants de la terre, pour lui représentants de la force, un respect plein d’ironie, il fonde la consolation suprême, le recours au Père que chacun a dans le ciel, le

  1. La belle âme de Philon se rencontra ici, comme sur tant d’autres points, avec celle de Jésus. De confus, ling., § 14 ; De migr. Abr., § 1 ; De somniis, II, § 41 ; De agric. Noë, § 12 ; De mutatione nominum, § 4.
  2. Saint Paul, Ad Galatas, iv, 6.