Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/205

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terre, si les idées du jeune maître n’eussent dépassé de beaucoup ce niveau de médiocre bonté au delà duquel on n’a pu jusqu’ici élever l’espèce humaine. La fraternité des hommes, fils de Dieu, et les conséquences morales qui en résultent étaient déduites avec un sentiment exquis. Comme tous les rabbis du temps, Jésus, peu porté vers les raisonnements suivis, renfermait sa doctrine dans des aphorismes concis et d’une forme expressive, parfois énigmatique et bizarre[1]. Quelques-unes de ces maximes venaient des livres de l’Ancien Testament. D’autres étaient des pensées de sages plus modernes, surtout d’Antigone de Soco, de Jésus fils de Sirach, et de Hillel, qui étaient arrivées jusqu’à lui, non par suite d’études savantes, mais comme des proverbes souvent répétés. La synagogue était riche en maximes très-heureusement exprimées, qui formaient une sorte de littérature proverbiale courante[2]. Jésus adopta presque tout cet enseignement oral, mais en le pénétrant d’un esprit supérieur[3]. Enchérissant

  1. Les Logia de saint Matthieu réunissent plusieurs de ces axiomes ensemble, pour en former de grands discours. Mais la forme fragmentaire se fait sentir à travers les sutures.
  2. Les sentences des docteurs juifs du temps sont recueillies dans le petit livre intitulé Pirké Aboth.
  3. Les rapprochements seront faits ci-dessous, à mesure qu’ils