Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/283

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muniquait au maître ses doutes naïfs, ses répugnances, ses faiblesses tout humaines[1], avec une franchise honnête qui rappelle celle de Joinville près de saint Louis. Jésus le reprenait d’une façon amicale, empreinte de confiance et d’estime. Quant à Jean, sa jeunesse[2], son ardeur[3] et son imagination vive[4] devaient avoir beaucoup de charme. La personnalité de cet homme extraordinaire ne se développa que plus tard. S’il n’est pas l’auteur de l’Évangile bizarre qui porte son nom et qui (bien que le caractère de Jésus y soit faussé sur beaucoup de points) renferme de si précieux renseignements, il est possible du moins qu’il y ait donné occasion. Habitué à remuer ses souvenirs avec l’inquiétude fébrile d’une âme exaltée, il a pu transformer son maître en croyant le peindre et fournir à d’habiles faussaires le prétexte d’un écrit à la rédaction duquel ne paraît pas avoir présidé une parfaite bonne foi.

Aucune hiérarchie proprement dite n’existait dans la secte naissante. Tous devaient s’appeler « frères »,

  1. Matth., xiv, 28 ; xvi, 22 ; Marc, viii, 32 et suiv.
  2. Il paraît avoir vécu jusque vers l’an 100. Voir le quatrième Évangile, xxi, 15-23, et les anciennes autorités recueillies par Eusèbe, H. E., III, 20, 23.
  3. Voir pages 161-162, note.
  4. L’Apocalypse paraît bien être de lui.