Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tabilité » extérieure. Le vrai moraliste, qui venait proclamer que Dieu ne tient qu’à une seule chose, à la rectitude des sentiments, devait être accueilli avec bénédiction par toutes les âmes que n’avait point faussées l’hypocrisie officielle.

Ces nombreuses conquêtes, Jésus les devait aussi, pour une part, au charme infini de sa personne et de sa parole. Un mot pénétrant, un regard tombant sur une conscience naïve, qui n’avait besoin que d’être éveillée, lui faisaient un ardent disciple. Quelquefois Jésus usait d’un artifice innocent, qu’employa plus tard Jeanne d’Arc. Il affectait de savoir sur celui qu’il voulait gagner quelque chose d’intime, ou bien il lui rappelait une circonstance chère à son cœur. C’est ainsi qu’il toucha, dit-on, Nathanaël[1], Pierre[2], la Samaritaine[3]. Dissimulant la vraie cause de sa force, je veux dire sa supériorité sur ce qui l’entourait, il laissait croire, pour satisfaire les idées du temps, idées qui d’ailleurs étaient pleinement les siennes, qu’une révélation d’en haut lui découvrait les secrets et lui ouvrait les cœurs. Tous pensaient qu’il vivait dans une sphère inacces-

  1. Jean, i, 48 et suiv.
  2. Ibid., i, 42.
  3. Jean, iv, 17 et suiv. Comp. Marc, ii, 8 ; iii, 2-4 ; Jean, ii, 24-25.