Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/554

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Les exécuteurs, auxquels on abandonnait d’ordinaire les menues dépouilles (pannicularia) des suppliciés[1], tirèrent au sort ses vêtements[2] ; et, assis au pied de la croix, le gardaient[3]. Selon une tradition, Jésus aurait prononcé cette parole, qui fut dans son cœur, sinon sur ses lèvres : « Père, pardonne-leur ; ils ne savent ce qu’ils font[4]. »

Un écriteau, suivant la coutume romaine[5], était attaché au haut de la croix, portant en trois langues, en hébreu, en grec et en latin : le roi des juifs. Il y avait dans cette rédaction quelque chose de pénible et d’injurieux pour la nation. Les nombreux passants qui la lurent en furent blessés. Les prêtres firent

  1. Dig., XLVII, xx, De bonis damnat., 6. Adrien limita cet usage.
  2. La circonstance ajoutée par Jean, xix, 23-24, paraît conçue a priori. Cf. Jos., Ant., III, vii, 4.
  3. Matth., xxvii, 36. Cf. Pétrone, Satyr., cxi, cxii.
  4. Luc, xxiii, 34. En général, les dernières paroles prêtées à Jésus, surtout telles que Luc les rapporte, prêtent au doute. L’intention d’édifier ou de montrer l’accomplissement des prophéties s’y fait sentir. Dans ces cas d’ailleurs, chacun entend à sa guise. Les dernières paroles des condamnés célèbres sont toujours recueillies de deux ou trois façons complétement différentes par les témoins les plus rapprochés. Il en fut ainsi à la mort du Bâb. Gobineau, les Relig. et les Philos, de l’Asie centrale, p. 268.
  5. Il est probable qu’on l’avait porté devant Jésus durant le trajet. Suétone, Caligula, 32 ; Lettre des Églises de Vienne et de Lyon, dans Eusèbe, Hist. eccl., V, i, 19.