Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/607

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lée[1], petite ville tout à fait obscure. Pourquoi s’être plu à créer après coup une célébrité à cette bourgade, dont certes les chrétiens demi-gnostiques d’Asie Mineure devaient peu se souvenir ?

§ 5. Ce qui suit à partir du verset 13 est d’un haut intérêt et constitue pour notre Évangile un triomphe décisif. Selon les synoptiques, Jésus, depuis le commencement de sa vie publique, ne fait qu’un voyage à Jérusalem. Le séjour de Jésus en cette ville dure peu de jours, après lesquels il est mis à mort. Cela souffre d’énormes difficultés que je ne répète pas ici, les ayant touchées dans la « Vie de Jésus ». Quelques semaines (en supposant que l’intention des synoptiques aille jusqu’à prêter cette durée à l’intervalle qui s’écoule entre l’entrée triomphale et la mort) ne suffisent pas pour tout ce que Jésus dut faire à Jérusalem[2]. Beaucoup des circonstances placées par les synoptiques en Galilée, surtout les luttes avec les pharisiens, n’ont guère de sens qu’à Jérusalem. Tous les événements qui suivent la mort de Jésus prouvent que sa secte avait de fortes racines à Jérusalem. Si les choses s’étaient passées comme le veulent Matthieu et Marc, le christianisme se fût surtout développé en Galilée. Des transplantés depuis quelques jours n’eussent pas choisi Jérusalem pour leur capitale[3]. Saint Paul n’a pas un souvenir pour la Galilée ; pour lui, la religion nouvelle est née à Jérusalem. Le quatrième Évangile, qui admet plusieurs voyages et de longs séjours de Jésus dans la capitale, paraît donc bien plus dans le vrai. Luc

  1. iv, 46 ; xxi, 2.
  2. Observez, par exemple, combien les faits des chapitres xxi-xxv de Matthieu sont mal agencés, sans jour et sans espace.
  3. Luc paraît sentir cela et prévient la difficulté par une révélation (xxiv, 49 ; Act., i, 4).