Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/650

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dires des synoptiques et de notre auteur. Marie de Magdala, qui, selon les quatre textes, joua un rôle capital à la résurrection, n’est pas mise par saint Paul au nombre des personnes auxquelles Jésus se montra, et, après cette heure solennelle, on ne la voit plus. Il en fut de même pour le bâbisme. Dans les récits, concordants au fond, que nous possédons des origines de cette religion, le personnel diffère assez sensiblement. Chaque témoin a vu le fait par un de ses côtés et a prêté une importance particulière à ceux des fondateurs qu’il a connus.

Observez une nouvelle coïncidence textuelle entre Luc (xxiii, 53) et Jean (xix, 41).

§ 41. Un fait capital sort de la discussion que nous venons d’établir. Notre Évangile, en désaccord très-considérable avec les synoptiques jusqu’à la dernière semaine de Jésus, est pour tout le récit de la Passion en accord général avec eux. On ne saurait dire cependant qu’il leur fasse des emprunts ; car, d’un autre côté, il s’écarte notablement d’eux ; il ne copie pas du tout leurs expressions. Si l’auteur du quatrième Évangile a lu quelque écrit de la tradition synoptique, ce qui est très-possible, il faut dire au moins qu’il ne l’avait pas sous les yeux quand il écrivait. Que conclure de là ? Qu’il avait sa tradition à lui, une tradition parallèle à celle des synoptiques, si bien qu’entre les deux on ne peut se décider que par des raisons intrinsèques. Un écrit artificiel, une sorte d’Évangile a priori écrit au iie siècle, n’aurait pas eu ce caractère. L’auteur eût calqué les synoptiques, comme font les apocryphes, sauf à les amplifier selon son esprit propre. La position de l’écrivain johannique est celle d’un auteur qui n’ignore pas qu’on a déjà écrit sur le sujet qu’il traite, qui approuve bien des choses dans ce que l’on a dit, mais qui croit avoir des ren-