Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/73

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cryphes qu’on peut rapporter au iie siècle, comme le Protévangile de Jacques, l’Évangile de Thomas l’Israélite[1], brodent sur le canevas synoptique et ne tiennent pas compte de l’Évangile de Jean.

Les difficultés intrinsèques tirées de la lecture du quatrième Évangile lui-même ne sont pas moins fortes. Comment, à côté de renseignements précis et qui sentent par moments le témoin oculaire, trouve-t-on ces discours totalement différents de ceux de Matthieu ? Comment l’Évangile en question n’offre-t-il pas une parabole, pas un exorcisme ? Comment, s’expliquer à côté d’un plan général de la vie de Jésus, qui paraît à quelques égards plus satisfaisant et plus exact que celui des synoptiques, ces passages singuliers où l’on sent un intérêt dogmatique propre au rédacteur, des idées fort étrangères à Jésus, et parfois des indices qui mettent en garde contre la bonne foi du narrateur ? Comment enfin, à côté des vues les plus pures, les plus justes, les plus vraiment évangéliques, ces taches où l’on aime à voir des interpolations d’un ardent sectaire ? Est-ce

  1. Les « Actes de Pilate » apocryphes que nous possédons, et qui supposent le quatrième Évangile, ne sont nullement ceux dont parlent Justin (Apol. I, 35, 48) et Tertullien (Apol., 21). Il est même probable que les deux Pères ne parlent de tels Actes que sur un ouï-dire légendaire et non pour les avoir lus.