Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/84

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à l’âme ardente et mobile, désabusé de la croyance à une prochaine apparition du Fils de l’homme dans les nues, ait penché vers les idées qu’il trouvait autour de lui, et dont plusieurs s’amalgamaient assez bien avec certaines doctrines chrétiennes. En prêtant ces nouvelles idées à Jésus, il n’aurait fait que suivre un penchant bien naturel. Nos souvenirs se transforment avec tout le reste ; l’idéal d’une personne que nous avons connue change avec nous. Considérant Jésus comme l’incarnation de la vérité, Jean a bien pu lui attribuer ce qu’il était arrivé à prendre pour la vérité.

Il est cependant beaucoup plus probable que Jean lui-même n’eut en cela aucune part, que le changement se fit autour de lui, et sans doute après sa mort, plutôt que par lui. La longue vieillesse de l’apôtre put se terminer par un état de faiblesse où il fut en quelque sorte à la merci de son entourage[1]. Un

  1. À côté de lui, certaines traditions (Eusèbe, H. E., III, 39) placent dans ses derniers temps un homonyme, Presbyteros Joannes, qui semblerait quelquefois avoir tenu la plume pour lui et s’être substitué à lui. À cet égard, la suscription ὁ πρεσϐύτερος des épîtres II et III de Jean, qui nous paraissent de la même main que l’Évangile et la première épitre, donne bien à réfléchir. Cependant l’existence de ce Presbyteros Joannes n’est pas suffisamment établie. Elle semble avoir été imaginée pour la commodité de ceux qui, par des scrupules d’orthodoxie, ne voulaient pas