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BUCOLIQUES

Tout à coup un fermier passe devant Émile et s’arrête.

— Est-il loué, ce petit gars-là ? dit-il.

Émile, malade d’émotion, baisse la tête. Philippe répond pour lui :

— Non, il n’est pas loué et il n’est pas à louer.

Le fermier s’éloigne. Les lèvres d’Émile tremblent, grimacent et il se met à pleurer. On rit de son chagrin, autour de lui, moi le premier.

— Écoute, lui dis-je, si tu veux, je te loue à mon service. J’achèterai un cochon, et chaque jour, après la classe, tu viendras le prendre pour le mener au champ. Tiens, mets dans ton porte-monnaie tes quarante sous d’arrhes.

Émile croit que je me moque de lui comme les autres. Il se détourne, chine plus fort et du pied râpe la terre.

Philippe agacé le secoue.

— Si tu ne te tais pas, dit-il, je vas te flanquer une paire de calottes. Au moins tu sauras pourquoi tu pleures.