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BUCOLIQUES


ferais presque un berger. J’ai déjà un vieux chapeau, un chien, une canne en guise de houlette, et il ne me manque que des moutons.

— Tu vas rire, dit-elle ; je croyais voir aussi tes moutons. Regarde ces tas de fumier qui se dressent partout, et attendent qu’on les écarte sur le chaume. Je t’assure que, de la vigne où j’étais, ils avaient l’air de moutons ?

— Je m’explique maintenant votre phrase : Tu n’as pas peur qu’ils gonflent !

— Tu comprends, je me disais : Le berger s’attarde. Il laisse se soûler ses moutons, et leur ventre va éclater. Hein ! crois-tu ? Ah ! je suis joliment attrapée !

— Est-ce que par hasard, ma cousin/, votre vue baisserait ?

— Tu peux dire que mes yeux sont perdus. Je ne reconnais pas les gens. Je n’ose plus aborder quelqu’un dans la rue. Et je me suis trouvée honteuse, hier, parce que des étrangers se moquaient de moi. Imagines-tu que je ramasse autant de cail-