Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/111

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Une mère de famille a quatre enfants, mais elle est encore belle : donc elle m’attendait pour m’offrir ce qui lui reste de beauté. Quant aux jeunes filles, elles grandissent pour moi, et je les prendrai dès qu’elles me « diront ».

Des nudités nuageuses se forment et se déforment. Je dois avoir les yeux injectés de sang. Comme un jardinier qui, par une blanche matinée d’avril, crève du nez de son sabot les toiles d’araignées tendues sur les allées, je brise des virginités, sans remords. À moi les lèvres framboisées ! Poète-avocat, je viens de me meubler un salon tout neuf et j’attends la clientèle. Mais mon rêve est un mât de cocagne savonné où je glisse, les mains vides.

Ma faim de chair fraîche errait, tenue par une ficelle. Je la ramène. Voilà que je respecte toutes les femmes et me dis des gros mots.

— « Tu jugeais les autres familles d’après la tienne, où l’immoralité suinte. Sache qu’il y a des femmes satisfaites de coucher avec un seul homme ! »

Une lépreuse voudrait-elle de moi ? J’en doute.