Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/126

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Songiez-vous, Madame, que vous pouviez m’arracher le cœur comme ceci :

Je me baisse, et je saisis un pied de pomme de terre. Il résiste. Je suis obligé de m’y reprendre à deux fois. Puis il cède, et je me promène de long en large sur la butte, le souffle fort, écrasant des feuilles dans mes doigts, et lançant de temps à autre, avec un éclat de voix, une pomme de terre à la mer.

Madame Vernet, interdite, ne bouge pas. Mes paroles, comme si je les avais jetées au creux d’un puits profond, n’ont pas encore retenti en elle. Enfin, à mon passage, elle me prend la main, me fait asseoir sur le banc, et me dit, presque sévère :

— « Vous me faites beaucoup, beaucoup de peine. »

Elle reprend :

— « Voulez-vous que nous causions un peu ? car, mon pauvre ami, vous n’avez dit jusqu’ici que des sottises. Elles ne comptent pas. Croyez que déjà je les ai oubliées, et répondez-moi comme à une mère. »

Mais je me relève, et, plein de colère, je crie :