Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/180

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de la table, les jambes molles, je courbais la tête, comme pris en faute.

— « Vous devez me juger mal ! » me dit-elle d’une voix implorante, étouffée, qui s’éloigne et va s’éteindre.

J’eus l’esprit de répondre :

— « Non, pas du tout ! »

Elle s’était tenue d’abord sur la défensive. Mon attitude piteuse l’affermit. Elle fit un pas en avant, posa le bout de ses doigts sur mon bras, comme pour réveiller un somnambule qui dort debout et me dit :

— « Vous m’en voulez, sans doute ? »

Je répondis encore :

— « Non, pas du tout !… »

Elle paraissait indécise. Enfin, après un silence, les lèvres pincées :

— « Vous êtes singulier ! J’attendais un autre accueil. »

Une lourde stupidité pesait sur moi. Il faut le dire, je n’avais jamais sérieusement cru que l’adultère de Madame Vernet se réaliserait. J’y pensais souvent, j’en caressais complaisamment les images ; mais il avait la séduction d’une beauté littéraire.