Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/302

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indifférente. Elle me rend mes baisers par politesse peut-être ou par peur. Elle obéit et subit. Elle m’embrasse, comme au bain elle arrondissait les bras, à mon ordre. Ce n’est d’abord pour elle que la continuation de mes attouchements. Je glissais ma main dans l’ouverture de son costume, et voilà que je la porte sur le lit, la couche, la dévêts. Elle ne sait pas ; je vous dis qu’elle ne sait pas ! Elle attend et tremble un peu. Pourquoi ai-je commencé ?

Quel est cet appétit de chair qui m’a pris soudain et qui s’en va avant d’être satisfait ? Que de fois, quand j’errais, les pieds fatigués, sur les trottoirs, indécis, le sang chaud, accroché à des filles comme à des buissons, il m’est arrivé d’en prendre une sans examen, par coup de tête, et de le regretter aussitôt ! Je la suivais, parce que je n’osais pas retourner en arrière, sous les regards de tous, et, monté, je serais parti tout de suite, si elle avait voulu me rendre mon argent.

Pauvre Marguerite ! nous sommes lugubres. Semblable à une bête sacrifiée, elle me regarde avec une expression d’étonnement navrante. Elle n’est plus la forte fille des empoignements