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le maître de la lumière

ou de pierre. Il y voyait surtout un instrument d’utilité journalière, destiné, dans mainte circonstance de la vie, à servir de preuve, à montrer comment tel ou tel événement s’était passé. Ne suffisait-il pas, en effet, d’un morceau de verre optique pour qu’une scène fût enregistrée aussi durablement que l’épaisseur du verre le comportait. Et cela fait, il n’y avait qu’à feuilleter la plaque, comme un bloc de feuillets rigides, pour retrouver l’image vivante de la scène en question, cheminant tout doucement à l’intérieur de ce mica prodigieux.

Mais quand nous disons « prodigieux », il faut bien comprendre que nous nous mettons dans la peau de César et que nous employons là sa propre expression ; car, à nos yeux modernes, accoutumés aux merveilles de la photographie et de la cinématographie, le verre optique n’est, après tout, dans ses effets, qu’une sorte de cinématographe naturel qui demeure pour nous extrêmement curieux, mais ne nous frappe pas de la stupeur dont César restait sidéré.

La Finette tenait la mer depuis deux ans. Il avait été convenu que, cette année-là, son capitaine rallierait Saint-Malo et ferait en France un séjour nécessité par la gestion de ses affaires personnelles. César ne crut pas devoir modifier ses projets. Il eut la chance d’effectuer ce long voyage sans incident notable. Son plan, relativement au verre optique, était de revenir l’année suivante jeter l’ancre devant l’ile, avec un équipage choisi et quelques compagnons sûrs, afin d’embarquer discrètement de grandes quantités de la denrée inestimable.

Jusque-là, il s’était promis de garder le silence.

Les prises qu’il avait faites depuis l’avènement de l’empereur lui assuraient la richesse. Il fit ses affaires avec les banquiers et les tabellions, convertit son butin en rentes et biens-fonds, passa quelques semaines à Paris, vit Napoléon aux prises avec d’immenses difficultés, n’en conçut rien de bon, et, nonobstant, alla se reposer en Savoie. C’est à ce moment que les plaques, après plusieurs mois de navigation et de transports de toute nature dans une caisse hermétique, gagnèrent la petite chambre haute de Silaz et cette cachette