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la maître de la lumière

— Il est inutile d’aller plus loin, déclara Rita. Le temps nous manque. C’est regrettable, parce que là-bas, à la lisière opposée des bois, on a la vue la plus belle sur le pertuis d’Antioche, l’île de Ré, La Rochelle, etc… N’y songeons pas.

— Il faut revenir au port, décida Geneviève. Nous n’avons plus que treize minutes.

— Je connais un raccourci. Par là, sur notre gauche, en longeant la côte de l’île, nous serons tout de suite arrivés. Et, en passant, nous verrons la plage qui est gentille. L’année dernière, nous sommes restés trois jours ici, mes parents et moi ; j’aurais voulu y rester des semaines ! Mais papa s’ennuyait…

— Et il ne devait pas le cacher ! s’égaya Mme Le Tourneur. Quel ours !

Rita eut un froncement de sourcils presque imperceptible, et se rembrunit. Elle marchait à côté de Charles, coude à coude, dans l’étroit chemin jaunâtre. Peu de femmes allaient, sur les chemins de la vie, d’une démarche aussi harmonieuse.

Charles, sensible déjà à tout ce que ressentait la fine jeune fille, l’enveloppait d’un regard aussi aimant qu’attentif, mais sans oser la questionner au sujet de ce père qui était un « ours ».

Elle releva la tête et lui sourit gaiement.

— Tenez ! dit-elle. Vous voyez : l’île d’Oléron !

Ils avaient passé sous une voûte qui, là, perce un talus, et ils se trouvaient en face de la mer.

À l’horizon, une ligne solide, terminée par le trait vertical d’un phare, séparait du grand ciel lumineux l’étendue verte des flots.

— Vous êtes sûre que c’est un raccourci ? demanda Charles en consultant sa montre.

— Dépêchons-nous ! fit Mme Le Tourneur.

Rita n’avait rien répondu. Elle suivait, la première, le sentier sinueux qui serpentait, non loin du rivage, entre des blocs de pierre, à travers une herbe folle poussée haut et dru. Cette voie semblait zigzaguer à plaisir.

Tout à coup, derrière la masse des buttes au delà desquelles on apercevait les sommets du sémaphore et du double phare, le mugissement du Boyardville se fit