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UN GENTILHOMME PHYSICIEN

Voilà pourquoi le marquis Savinien, mon camarade, hérita de ses aïeux une âme d’outrance et de sensibilité, où le génie parfois s’entache de berlue dans une équivoque troublante. Avec lui, l’arbre généalogique le plus altier des Vosges aboutit à un rameau précieux et morbide ; rinceau d’élite ou branche monstrueuse, l’intérêt qu’il provoque demeure ambigu ; on balance s’il en faut admirer la rareté ou déplorer l’anomalie.

Partant, nulle famille de France ne possède à si haut degré l’esprit de caste. Et il faut dire que ce sentiment-là fut entretenu chez elle par un état de choses assez peu banal et qui ne se voit guère autre part.

Aussi loin qu’on remonte le cours de ses annales, on ne cesse de relever la trace d’un éternel désaccord entre les seigneurs du nom et leurs vassaux. L’histoire du fief n’est qu’une violente kyrielle de jacqueries et de répressions, de rébellions et de châtiments, drame interminable dont l’acte le moins tragique n’est pas ce qu’il advint, en mil sept cent quatre-vingt-treize, de l’ambassadeur François-Joseph d’Outremort et de