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LA GLOIRE DU COMACCHIO

blement toujours, mais avec une sorte d’ardeur et comme se parlant à lui-même :

— « Certes, je la vois. Et Tubal ne lui mesurera point sa louange. C’est un beau simulacre, et voilà bien Andromède. Je la reconnais, encore qu’on ne découvre ni rocher, ni chaînes, ni monstre marin, ni Persée à cheval sur Pégase. Tous les bannis au cœur vaillant, tous les persécutés qui attendent un sauveur sont de même race. Andromède est du sang de Jacob. Et je n’ai pas besoin qu’on me l’exhibe avec son attirail pour saluer de son nom la sœur d’Israël. — Admirable morceau, Messer Bordone, et d’un caractère sublime ! »

— « À la bonne heure ! »

Flatté d’un éloge moins banal que de coutume, Cesare se rengorgeait.

— « Et », poursuivit le prêteur, « si l’on ajoute à ces mérites la perfection du métier, l’œuvre rappelle étrangement certaines figures de certain tombeau… »

— « J’ai travaillé quatre ans avec Michelagnolo Buonarotti », proclama Cesare Bordone ; « et je sens qu’il aimerait mon Andromède. »