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Poil de Carotte

Elle est gelée. Il doit en casser la glace, et ce premier exercice répand par tout son corps une chaleur plus saine que celle des poêles. Mais il feint de se mouiller la figure, et, comme on le trouve toujours sale, même lorsqu’il a fait sa toilette à fond, il n’ôte que le plus gros.

Dispos et frais pour la cérémonie, il se place derrière son grand frère Félix, qui se tient derrière sœur Ernestine, l’aînée. Tous trois entrent dans la cuisine. Monsieur et madame Lepic viennent de s’y réunir, sans en avoir l’air.

Sœur Ernestine les embrasse et dit :

— Bonjour, papa, bonjour, maman, je vous souhaite une bonne année, une bonne santé et le paradis à la fin de vos jours.

Grand frère Félix dit la même chose, très vite, courant au bout de la phrase, et embrasse pareillement.

Mais Poil de Carotte sort de sa casquette une lettre. On lit sur l’enveloppe fermée : « À mes Chers Parents. » Elle ne porte pas d’adresse. Un oiseau d’espèce rare, riche en couleurs, file, d’un trait, dans un coin.