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Poil de Carotte

mains, il s’explique l’aventure. Sans doute, une fois qu’il lançait sa ligne au loin, son hameçon lui est resté dans le dos.

— Je ne m’étonne plus que ça ne mordait pas, dit-il.

Il écoute les plaintes de sa mère, et d’abord n’est guère chagriné de les entendre. Ne criera-t-il pas à son tour, tout à l’heure, non moins fort qu’elle, aussi fort qu’il pourra, jusqu’à l’enrouement, afin qu’elle se croie plus tôt vengée et le laisse tranquille ?

Des voisins attirés le questionnent :

— Qu’est-ce qu’il y a donc, Poil de Carotte ?

Il ne répond rien ; il bouche ses oreilles, et sa tête rousse disparaît. Les voisins se rangent au bas de l’escalier et attendent les nouvelles.

Enfin madame Lepic s’avance. Elle est pâle comme une accouchée, et, fière d’avoir couru un grand danger, elle porte devant elle son doigt emmailloté avec soin. Elle triomphe d’un reste de souffrance. Elle sourit aux assistants, les rassure en quelques mots et dit doucement à Poil de Carotte :