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Poil de Carotte

communiquent aux feuilles voisines qui le passent rapidement.

Et c’est un signe d’alarme, car, à l’horizon, paraît l’ourlet d’une calotte brune.

Le peuplier déjà frissonne ! Il tente de se mouvoir, de déplacer les pesantes couches d’air qui le gênent.

Son inquiétude gagne le hêtre, un chêne, des marronniers, et tous les arbres du jardin s’avertissent, par gestes, qu’au ciel, la calotte s’élargit, pousse en avant sa bordure nette et sombre.

D’abord, ils excitent leurs branches minces et font taire les oiseaux, le merle qui lançait une note au hasard, comme un pois cru, la tourterelle que Poil de Carotte voyait tout à l’heure, verser, par saccades, les roucoulements de sa gorge peinte, et la pie insupportable avec sa queue de pie.

Puis ils mettent leurs grosses tentacules en branle pour effrayer l’ennemi.

La calotte livide continue son invasion lente.

Elle voûte peu à peu le ciel. Elle refoule l’azur, bouche les trous qui laisseraient pénétrer l’air, prépare l’étouffement de Poil de