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la carabine

les jours. Ils regrettent de n’avoir pas de bottes, mais M. Lepic leur déclare souvent que le vrai chasseur les méprise. La culotte de vrai chasseur traîne sur les talons. Il ne la retrousse jamais. Il marche ainsi dans la patouille, les terres labourées, et des bottes se forment bientôt, montent jusqu’aux genoux, solides, naturelles, que la servante a la consigne de respecter.

— Je pense que tu ne reviendras pas bredouille, dit grand frère Félix.

— J’ai bon espoir, dit Poil de Carotte.

Il éprouve une démangeaison au défaut de l’épaule et se refuse d’y coller la crosse de son arme à feu.

— Hein ! dit grand frère Félix, je te la laisse porter tout ton soûl !

— Tu es mon frère, dit Poil de Carotte.

Quand une bande de moineaux s’envole, il s’arrête et fait signe à grand frère Félix de ne plus bouger. La bande passe d’une haie à l’autre. Le dos voûté, les deux chasseurs s’approchent sans bruit, comme si les moineaux dormaient. La bande tient mal, et pépiante, va se poser ailleurs. Les deux chasseurs se redressent ;